Les cépages

Le languedoc et tous ces cépages

Les cépages du Sud se taillent la part du lion dans les Appellations d’Origine Protégées (AOP) du Languedoc. Les Indications Géographiques Protégées (IGP) Sud de France sont le terrain d’expression de cépages venus de toute la France et du monde. L’AOP impose des cépages majoritaires et propose des cépages accessoires, tous sont des marqueurs identitaires essentiels de la région. L’ampélographie est la science des cépages ; ses spécialistes sont des scientifiques languedociens : Henri Bouschet au XIXème, Pierre Viala puis Pierre Galet au XXème siècle, ont contribué à faire du Languedoc le sanctuaire ampélographique qu’il est aujourd’hui. Le domaine de Vassal, à Marseillan dans l’Hérault, compte pas moins de 5000 cépages sur les 6000 connus à travers le monde. Son propriétaire, l’Institut National de Recherche sur l’ Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE) de Montpellier est un centre de développement de cépages par croisements, tandis qu’à travers toute la région, les collections de cépages anciens se multiplient, par prélèvement dans les plus vieilles vignes des appellations, pour préserver ce patrimoine génétique unique. Les cépages rouges occupent les trois quarts du vignoble.

Le grenache noir et le carignan sont les maîtres des lieux, flanqués de la syrah, cépage améliorateur qui a su trouver ses marques (voir plus loin). En blanc, le Languedoc offre de très belles spécialités : piquepoul, clairette, bourboulenc, grenaches et carignans gris et blanc, mais aussi chardonnay en appellation, et sauvignon en IGP. Il faut de tout pour faire ce monde du vin, résumé dans une seule région dans toutes ses appellations, capable de répondre à toutes les envies, à toutes les tendances de consommation.

Découvrez les cépages du Languedoc

Les cépages noirs

Le top 5 des cépages noirs du languedoc reflète sa diversité:

Grenache
(36 000 hectares)
Syrah
(35 000 hectares)
Merlot
(27 000 hectares)
Carignan
(22 000 hectares)
Cabernet Sauvignon
(15 000 hectares)
Parmi les cépages les plus plantés du Languedoc, on retrouve les cépages qui entrent dans les assemblages des vins d’Appellation d’Origine Protégée (AOP) mais aussi d’indication géographique protégée (IGP). Il y a des exceptions, mais la clé de lecture reste : assemblage de cépages du lieu en AOP, créativité et réinvention en monocépage en IGP. A l’instinct et en force, les cépages noirs du Languedoc puisent leur fruit croquant dans les zones généreuses de plaine et leur caractère trempé et leur concentration dans les parcelles à fleur de peau à flanc de coteaux.

Distinguons les cépages stars de nos AOP, la figure imposée, et ceux de nos IGP, la figure libre.

En AOP : l’union fait la force, l’assemblage est la règle

En AOP, nos cépages star sont les “cépages majoritaires” : Grenache, Syrah, Mourvèdre et/ou Carignan, voire Cabernets et Merlot dans le Couloir Atlantique.Vous les trouvez en bonne place dans le top 5, et pour cause ! Ensemble ou séparément, ils doivent compter ensemble pour au moins 40 % des assemblages en AOP. En rouge comme en blanc, un cépage, fût-il majoritaire, ne peut représenter plus de 80 % d’une même cuvée. Il faut se mélanger, s’assembler, s’enrichir de nos différences !

En IGP : plus de cépages, plus de créativité pour nos vignerons

En IGP, nos cépages star sont les plus plantés. On retrouve nos cépages méditerranéens, en monocépage ou en assemblage non-conforme à la règle de l’AOP, car l’IGP laisse plus de latitude à l’inspiration de nos producteurs. On trouve aussi des cépages d’ailleurs, cabernets et merlots mais aussi pinot noir ou encore tempranillo ou sangiovese… C’est le bonheur de la figure libre.

LES INCONTOURNABLES

GRENACHE

Entre le grenache et son cousin le lladoner pelut (voir plus loin), cette généreuse famille occupe près de 40 000 hectares du vignoble languedocien dont 36 000 pour le seul grenache. Notre superstar est un généreux capricieux. Il a la floraison râleuse au printemps (du vent, de la pluie en mai-juin et il renâcle à faire ses fruits), et se bloque au chaud et au manque d’eau pendant l’été. Pourquoi est-il le cépage le plus planté de nos appellations ? Parce qu’il donne sans compter en jus, en sucres, et que sa complexité aromatique défie le reste du monde. Parce qu’il est inégal en maturité, son fruit mêle le rouge-fraise et le pruneau noir, la réglisse et le tabac brun. Son toucher de bouche enrobant n’a pas son pareil. Alors oui, il fait travailler nos vignerons à la vigne. En cave, il faut le protéger de l’oxydation et notre capricieux fait l’objet d’attentions constantes. Sa peau fine se prête aux vinifications en rouge, en rosé, en blanc, d’autant qu’il se décline en noir, gris et blanc. Il se mérite à l’effort et on l’aime comme il est.

LLADONER (OU LLEDONER) PELUT

Le cousin velu du grenache doit son nom à ses feuilles duveteuses. Est-ce grâce à ses poils qu’il est moins sensible à la coulure et à la sécheresse, qu’il monte moins haut en alcool ? Bien des vignerons vous diront qu’il est plus fiable que son cousin grenache, et trop rare. Il fait partie des cépages recherchés des connaisseurs pour son caractère épicé réglissé caractéristique.

SYRAH

Deuxième cépage rouge du Languedoc, elle représente 35 000 hectares du vignoble. Elle nous vient du Rhône et s’est répandue en conquérante avec l’avènement des appellations dans les années 1980, pour faire gagner les vins des cépages à peaux fines (grenache et carignan en tête) en matière et en couleur. La syrah offre de petites baies à peaux épaisses avec un rapport entre le jus blanc et les peaux colorantes et tanniques favorable à l’extraction de couleur et d’arômes. On l’a plantée partout et n’importe où, en partant du principe qu’elle pousse où on la pose. Or la syrah n’est pas le cépage facile qu’on a voulu croire. Elle est sensible à la sécheresse, prompte à se refermer sur la réduction, animale quand elle est trop mûre et son acidité naturelle s’écroule au chaud. Les terroirs qui lui réussissent sont en altitude, avec des nuits fraîches : les Terrasses du Larzac, le Pic Saint-Loup en ont fait leur spécialité.

MOURVÈDRE

Il compte pour 5000 hectares du vignoble Languedocien. On dit qu’il lui faut la tête au soleil et les pieds dans l’eau pour être heureux. Le mourvèdre a une exigence essentielle, celle de la juste maturité : il ne pardonne pas la vendange précoce ou tardive. Avec sa peau épaisse et son acidité marquée, il offre des vins profonds, au riche cœur épicé, équilibrés par une fraîcheur vivifiante.

LES ACCESSOIRES ESSENTIELS

CARIGNAN

Venu d’Aragon à la fin du XVIIIème siècle, le carignan a très longtemps été poussé à de très hauts rendements, produisant des vins légers, sans fond. Mais dans la seconde moitié du XXème siècle, notre champion de la production en plaine s’est mué en seigneur des coteaux. De 168 000 hectares en 1988, il reste quelques 22 000 aujourd’hui. La révolution qualitative du Languedoc est passée par les arrachages de vignes trop productives et par le progrès scientifique de la maîtrise de la macération carbonique. Bien connue en Beaujolais pour extraire le meilleur de la couleur et des arômes du gamay, elle a été appliquée avec succès au carignan. Elle permet d’extraire la couleur des peaux tout en préservant le toucher de bouche de tannins asséchants. Accessoire dans l’AOP Languedoc, le carignan est majoritaire en Corbières, son terroir historique ; dans l’appellation Corbières-Boutenac, il peut représenter jusqu’à 50 % de l’encépagement. Les vieilles vignes de carignan sur les sols de galets roulés y donnent des jus denses et inimitables de gourmandise.

CINSAUT (OU CINSAULT)

Ce cépage à gros grains juteux était un raisin de table avant de passer à la cuve. On l’aime pour sa propension à offrir de la buvabilité, du croquant et de la souplesse. Avec environ 12 000 hectares plantés, il est à la base de beaucoup de vins rosés du Languedoc et notamment dans l’appellation Cabrières, qui a fait du rosé de terroir de schiste sa spécialité. Le Cinsault n’est pas en reste en rouge, car il permet la production de vins souples et digestes.

COUNOISE

Elle vient d’Espagne mais a fait ses classes dans le Rhône et en Provence. On l’aime en Languedoc pour sa résistance à la sécheresse. Au plus chaud de l’été, elle garde une acidité salvatrice pour les assemblages et elle est très en vogue côté plantations même si elle reste modestement à 250 hectares à l’heure actuelle.

LES RARETÉS

LES VARIANTES NOIRES DES CÉPAGES PIQUEPOUL ET TERRET (100 HECTARES CHACUN DANS TOUT LE LANGUEDOC)

Bien connus en blanc sur les rives de nos étangs ; ils produisent des vins rouges et rosés souples.

LE MORRASTEL

à ne pas confondre avec le mourvèdre ou monastrel. Il a lui aussi la peau épaisse, mais résiste bien, lui, à la sécheresse et au manque d’eau. Il donne des vins profonds, tendus et épicés.

L'OEILLADE NOIRE OU ARAIGNAN NOIR

Souvent confondue avec le cinsault alors qu’elle ne lui est pas apparentée. Elle a elle aussi la grappe généreuse et le grain oblong très juteux.

LE RIVAIRENC (QU'ON L'ÉCRIVE RIVEYRENC, RIBEYRENC OU RIVERAIN) OU QU'ON L'APPELLE AUSSI ASPIRAN NOIR

Rare et recherché, en Minervois notamment.

ET AUSSI

ARAMON

Du haut de ses 1500 hectares, l’aramon est trop souvent oublié car il n’entre pas dans le cahier des charges des appellations. Comme le carignan, il a fait les grandes heures du Languedoc productif avant de subir une traversée du désert. Sa sortie du purgatoire n’est pas aussi heureuse que celle du carignan mais il donne de beaux résultats en IGP où il gagne à être connu. Les vignerons applaudissent sa résistance aux maladies, en particulier à l’oïdium, les buveurs aiment son jus corsé du côté aromatique sans jouer au bras de fer sur les tannins.

SPÉCIALITÉS ATLANTIQUES

Quand elles regardent vers l’Ouest, les AOP du Languedoc s’ouvrent à des cépages atlantiques, à la faveur d’un climat plus océanique que méditerranéen dans les appellations Cabardès, Malepère et Limoux. Ces cépages sont aussi très présents, assemblés ou en monocépages, dans les IGP Sud de France.

MERLOT

Il compte pour 30 000 hectares dans le vignoble languedocien. Majoritaire dans les assemblages des AOP Limoux, Malepère et, dans une moindre mesure, Cabardès, il est aussi très présent dans les vins de nos IGP pour sa souplesse et sa rondeur de fruit.

CABERNET SAUVIGNON

Ce tous-terrains du monde du vin compte pour 14 500 hectares dans le vignoble languedocien. C’est une bête de somme à peau épaisse, généreux en arômes marqués du poivron au cassis, tannique en diable, coloré en violine, reconnaissable entre mille. Il peine à laisser son terroir s’exprimer tant sa personnalité est marquante. Pour autant, dans les appellations occidentales du Languedoc, il apporte sa richesse et laisse parler ses acolytes de cuve. On aime son fruit noir profond et ses expressions mentholées.

CABERNET FRANC

Exigeant et capable du meilleur, le cabernet franc ne représente que 3500 hectares en Languedoc, principalement plantés au sein des appellations Malepère et Cabardès. Il a la maturité capricieuse, demande de la fraîcheur de climat et du soleil sans brûler, l’équilibre est tendu mais sa finesse aromatique sur le poivre vert et le caractère terrien en font un cépage fascinant à travailler.

MALBEC

On l’appelle côt dans la Loire, malbec dans le Sud-Ouest (et notamment à Cahors). Sensible aux maladies de l’humidité (pourriture grise, mildiou…) il apprécie la lumière et la chaleur languedociennes. Il y puise une âpreté qui se prête aux accords mets-vins avec une bonne dose de gras. Puissant, épicé et fruité, il gagne à exprimer tout son tempérament dans des climats aux nuits fraîches, pour préserver son croquant.

FER SERVADOU

Dur comme fer à tailler (on dit que ses sarments cassent les sécateurs), on l’appelle Braucol ou Mansois dans le Sud Ouest, de Gaillac à Marcillac. "Servadou" en occitan signifie "qui se conserve bien" : il est très résistant aux maladies de la vigne et au mildiou. On l’aime pour son caractère structuré, son animalité aromatique de bon aloi dans l’appellation Cabardès.

SPÉCIALITÉS CONTINENTALES

PINOT NOIR

Sa référence est la Bourgogne mais on le trouve dans le Centre-Loire… et en Languedoc où il compte pour 1500 hectares du vignoble. Il entre dans l’AOP Crémant de Limoux, essentiellement pour apporter sa couleur et ses arômes de cerise aux crémants rosés. En IGP, dans la Haute-Vallée de l’Aude en particulier, il trouve assez de fraîcheur pour donner ses arômes de bigarreau et de viande grillée délicieusement caractéristiques.

LES CROISEMENTS

L’Université de Montpellier s’est fait une spécialité dans les croisements. A ce sujet, il faut distinguer les croisements entre cousins germains de la même famille, vitis vinifera, créés pour mêler les qualités de différents cépages, et les hybrides, issus de croisements entre cousins plus éloignés de la famille vitis. Ces derniers sont développés pour associer à la capacité de production de vin des vitis vinifera des gènes de résistance aux maladies et à la sécheresse qui viennent d’autres membres de la famille vitis. Cette résistance est une clé pour le développement d’un vignoble résistant aux maladies et au réchauffement climatique sans recours systématique aux molécules de synthèse. L’INAO n’accepte pas les hybrides en appellation. Pour l’instant. Revenons aux croisements, 100 % vitis vinifera, ils sont pour l’instant seulement produits en IGP.

PINOT MARSELAN

Croisement du grenache noir et du cabernet sauvignon. Il a le côté tous-terrains du cabernet, sa résistance aux maladies, mais sans la générosité du grenache. Il est très utilisé en IGP pour produire des rouges charnus ; son utilisation en rosé progresse et il représente 5000 hectares du vignoble languedocien.

CALADOC

Croisement entre le grenache et le côt/malbec, il représente 2500 hectares dans le vignoble languedocien. Fort comme le malbec, il est résistant à la coulure et donne des vins robustes. On le trouve beaucoup dans la production de rosé.

ALICANTE BOUSCHET

Il compte pour 2600 hectares. Croisement du grenache noir et du Petit Bouschet (du nom d’Henri Bouschet, ampélographe du XIXème siècle). Il a le jus rouge (alors que la plupart des raisins noirs ont la peau noire et le jus blanc), il est donc si colorant qu’on le dit teinturier. Il donne des arômes de cassis et de sureau caractéristiques. On le trouve rarement seul et, dans les vieilles vignes, il était souvent planté ici et là dans une parcelle, puis vendangé et encuvé avec les autres raisins dont il renforçait la couleur des jus.

CHENANSON

Croisement du grenache noir et du jurançon. Il offre de grosses grappes aérées car les baies sont petites, donc promptes à offrir des vins profonds en couleur et riches en tannins. Il représente 400 hectares.